Une amie psychanalyste a récemment décrit sur son blog la demeure de Sigmund Freud à Londres, où il a fini sa vie, de septembre 1938 au 23 septembre 1939. Agé de 83 ans, il recevait toujours des patients dans son cabinet où « il s’asseyait derrière ses myriades de statuettes funéraires assyriennes, étrusques, grecques et égyptiennes disposées de façon codifiée dans la pièce (…) Analyste fasciné par la mort face à ses statuettes funéraires à haute fonction protectrice ? Mystique refoulé fâché avec Jung, son émule tenté par l’ésotérisme ? »
Je fus impressionnée par cette description de Freud, proche de sa fin et regardant la mort sous toutes ses formes, parce qu’elle éclaire de façon frappante le thème natal de Freud. 
Celui-ci est en effet marqué par l’opposition entre le Soleil Taureau (encadré par 3 autres planètes dans le même signe) et l’Ascendant Scorpion qui lui fait face, vide de toute planète. Une construction d’autant plus puissante que le maître de l’Ascendant Scorpion, Pluton, se place juste en face, en Taureau.
C’est comme si Eros, la pulsion de vie, incarnée dans le signe du Taureau où la puissance de la nature explose, affrontait Thanatos, la pulsion de mort. En Scorpion, tout se décompose, l’individu est attiré par les profondeurs de la terre. Tel que le thème le dessine, Freud avait cet appétit de vivre et de jouir fortement ancré en lui, tout en étant fasciné par son caractère forcément éphémère. Fascination ou répulsion ? Que ressentait-il en regardant ses statuettes évoquant la mort ?
A ce propos, Carl Gustav Jung rapporte une anecdote datant de 1909*, à l’époque où le schisme entre eux n’était pas encore intervenu. Jung s’intéressait aux « cadavres des marais », des momies très anciennes trouvées dans des marécages du nord de l’Allemagne. « Mon intérêt énerva Freud : « que vous importent ces cadavres ? » Il était manifeste que le sujet le mettait en colère. Pendant une conversation là-dessus, il eut une syncope. Plus tard, il me dit avoir été persuadé que ce bavardage à propos des cadavres signifiait que je souhaitais sa mort. »
L’axe Taureau-Scorpion donne bien d’autres exemples de dualité sur lesquels Freud a bâti ses théories. Le stade oral et le principe de plaisir sont exaltés dans le Taureau quand le Scorpion est fasciné par la fonction d’excrétion et tout ce qu’elle représente. L’axe Taureau-Scorpion illustre aussi l’ambivalence de l’individu entre l’affirmation de sa sexualité et l’angoisse de la castration, entre désir et refoulement, possession et dépossession, etc.
Jung a dit de Freud « qu’il ne voulait admettre aucun autre facteur qu’un traumatisme sexuel comme cause du refoulement dans les cas de névrose. (…) De toute évidence, Freud avait à cœur et de façon peu ordinaire sa théorie sexuelle. Quand il en parlait c’était d’un ton pressant, presque anxieux (…). Une étrange expression d’agitation animait alors son visage. J’en étais fortement frappé. (…) Pour reprendre ses propres paroles, il se sentait menacé « par un flot de boue noire », lui qui avant tout autre avait tenté de pénétrer et de tirer au clair les noires profondeurs. » *
Le « flot de boue noire » charrié par son Ascendant Scorpion l’a emporté presque malgré lui vers un monde où ses valeurs Taureau frémissaient de ne jamais ressurgir intactes. Cet homme avait-il peur de ce qui bouillonnait au fond de lui ?
A l’appui de cette hypothèse, ajoutons que presque toutes les planètes de Freud se situent du côté des Autres, à l’Ouest du thème (dont 4 en maison VII, celle de la relation à l’autre). L’Est, le Moi, est quasiment vide. Serait-ce cette sensation de ne pas savoir qui il était qui l’a poussé à inventer la psychanalyse ?! Freud a laissé l’image d’un scientifique pionnier qui n’avait pas peur de développer des théories choquantes pour l’époque mais son thème laisse penser qu’il avait au contraire désespérément besoin de l’approbation des autres pour s’accorder une valeur propre. Avant d’obtenir la reconnaissance et les hommages qu’il méritait, cet homme a dû intérioriser beaucoup de doutes.
Heureusement que chez Freud, le Soleil était conjoint à Uranus, lui-même lié à Mercure ; cette triple conjonction l’a sûrement aidé à imposer ses vues en dépit des obstacles. Sinon qui sait, peut-être aurait-il été plus timoré ? Ici, l’alliance du Soleil et d’Uranus apporte plus que de la confiance en soi : une intuition foudroyante, un pouvoir de raisonner en dehors des sentiers battus et une volonté d’imposer un regard neuf.
Jung a expliqué que la fin des relations entre Freud et lui s’était imposée le jour où il demanda à Freud de lui communiquer quelques détails sur sa vie privée pour expliquer un rêve et que Freud lui répondit, cinglant : « Je ne puis pourtant pas risquer mon autorité ! » 
Phrase forcément irrecevable pour Jung, son héritier dissident, car la conjonction entre le Soleil et Uranus existe aussi chez lui, dans le signe du Lion ! De plus, comme chez Freud, le thème de Jung est construit autour d’une opposition entre le Soleil natal et l’Ascendant, sur l’axe qui relie le Lion au Verseau. Les axes Taureau Scorpion et Lion-Verseau sont tous les deux bâtis sur des signes fixes, où l’on ne transige pas.
La rupture entre les deux psychanalystes était irrémédiable mais peu importe, puisque leurs écrits respectifs restent incontournables, un siècle plus tard.
* CG Jung. « Ma vie ». Souvenirs, rêves et pensées recueillis et publiés par Aniéla Jaffé.
(Edition augmentée, Gallimard 1973).
De la Lune à Pluton 