Carl Gustav Jung, l’astrologie et le Yi Jing

« Au commencement était le Verbe » ? Pas forcément : pour les chinois de l’Antiquité, au commencement était le Yin ! On ne dit en effet jamais le Yang et le Yin mais le Yin et le Yang. (Disons d’emblée à ceux qui voudraient assimiler le Yin à un élément féminin qu’on laisse passer devant par galanterie qu’ils ont une vue beaucoup trop restrictive des choses…) Le Yin, c’est cet « élan réceptif qui incarne l’épaisseur nourricière où s’enracine tout accomplissement »*. Une définition qui a le mérite de relever d’emblée le niveau du débat…

Pourquoi, dans un blog consacré à l’astrologie, parler de la polarité qui fonde tout le livre du Yi Jing ? Parce que l’une et l’autre parlent des mêmes évidences : du fait que nous sommes tributaires des changements permanents qui s’opèrent autour de nous et en nous : du cycle des planètes, des champs d’énergie qui font que rien ne dure, que tout se transforme… Rappelons que la signification du Yi Jing, c’est le « Livre des Changements ».

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Si l’astrologie et le Yi Jing ont d’abord été des instruments de divination réservés aux puissants, l’une et l’autre ont progressivement acquis une portée universelle. Les deux sont pourtant simplement partis de l’observation des choses naturelles : la ronde des planètes pour l’astrologie, les os calcinés puis la carapace des tortues pour le Ji King, dont la forme des entailles a progressivement produit ce système abstrait de l’alternance des traits Yin et Yang. Au départ, la carapace de tortue était d’ailleurs une représentation de l’univers vu de la terre : plate au-dessous, ronde au-dessus, l’alliance de la terre et du ciel. Les premiers astrologues aussi dessinaient le ciel qui les entourait…

Si l’Eau, le Feu, l’Air et la Terre sont les quatre éléments de base des signes du zodiaque, on les retrouve dans le Yi Jing, accompagnés du Tonnerre, de la Montagne, de la Brume et du Bois, ces huit éléments formant la base des 64 hexagrammes qui composent le langage symbolique du Yi Jing.Image

L’astrologie comme le Yi Jing n’ont plus aujourd’hui comme rôle de prévoir l’avenir. Mais l’une comme l’autre peuvent nous aider à nous poser les bonnes questions, à mieux comprendre ce qui nous arrive, à accepter d’être des individus en devenir, jamais complètement aboutis…

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CG Jung : né le 26 juillet 1875 à 19h02 à Kesswil (Suisse)

Si le Yi Jing est parvenu jusqu’à nous, c’est en grande partie grâce à Carl Gustav Jung, qui malgré sa formation de médecin, psychologue et psychanalyste, s’est toujours nourri dans des champs beaucoup moins rationnels. A la différence de Freud, qui la méprisait, Jung s’est toujours passionné pour l’astrologie qu’il considérait comme une source pouvant alimenter ses connaissances en matière d’inconscient collectif. A l’image de la dualité de son thème natal (Ascendant Verseau face au Soleil en Lion, juste au Descendant), il n’hésitait pas à emprunter des chemins anticonformistes tout en cherchant à obtenir la reconnaissance de ses pairs dans le milieu scientifique. « La vie m’a appris à ne rien rejeter, même ce qui me paraît inexplicable ».

CG Jung : né le 26 juillet 1875 à 19h02 à Kesswil (Suisse)
CG Jung : né le 26 juillet 1875 à 19h02 à Kesswil (Suisse)

Est-ce cette opposition entre le Lion et le Verseau qui peut expliquer qu’il a attendu presque 20 ans avant de tenir la promesse faite à son ami, le pasteur Richard Wilhelm, de diffuser la traduction allemande qu’il avait faite du livre du Yi Jing en Occident ? Wilhelm est en effet mort en 1930 et la préface de Jung au travail de Wilhelm n’est finalement parue qu’en 1949 ! La peur de se décrédibiliser l’a longtemps retenu.

Quelles qu’aient été ses raisons, ce temps aura été celui de la maturation pour Jung. Quand elle paraît, cette préface met l’accent sur la similitude qui existe entre le Yi Jing et le principe de synchronicité qu’il a mis au jour, soit le fait que deux événements se produisant simultanément peuvent faire sens, sans lien de causalité. Les fameuses  « coïncidences » observées en astrologie ou les tirages du Yi Jing reposant sur « le hasard » ne parlent pas d’autre chose.

Impossible de développer plus ce sujet passionnant dans un cadre aussi limité mais je ne résiste pas à mentionner l’anecdote qui m’est arrivée pendant un stage de Yi Jing . Ayant posé une petite bouteille d’eau devant moi, mon regard a subitement été attiré par l’injonction portée sur l’étiquette : « live young ». Live young ou live Jung ? Et s’il vivait toujours à travers le Yi Jing ?
On parlait de quoi déjà, de synchronicité ?

*Javary CJD et Faure P. Yi Jing : Le livre des changements. Albin Michel 2002-2012.